Hui : converger confluer vers le centre
Hui : confluer, converger vers le centre

Combat ou Dualité


Il est important pour moi de faire part de ma reflexion sur ce sujet, car la notion de combat ne m'attirait pas du tout dans un premier temps. Etant plus stimulé par l'esthétique des mouvements et considérant que le combat et la confrontation physique avec un adversaire n'avait pour effet que d'exciter une violence qui n'avait pas lieu d'être. Pourtant au cours de ma pratique à la fois physique et littéraire, je pris peu à peu conscience que l'état de dualité dans lequel nous évoluons au quotidien constitue en soi une forme de combat. Le moindre choix à faire est une lutte intérieure, le simple fait d'avoir des priorités nous entretient dans un état de conflit permanent et par dessus tout le fait de juger une situation, une attitude ou une personne nous place directement en opposition et nous empêche de ressentir et comprendre ce à quoi nous étions confrontés. La manière que nous avons de gérer ces milliers de combats intérieurs, détermine la qualité de notre état d'être au quotidien et donc notre qualité de vie en dépend.

Le travail du combat à travers les arts martiaux nous amènne à expérimenter une manière d'aborder le conflit qui permet d'en sortir... L'avantage de pratiquer le combat est que celui-ci ne permet pas aux personnes de mentir, la franchise est de mise car le corps traduit l'état d'esprit sans possibilité de triche. Il permet de rester terre à terre et de régler les conflits qui se matérialisent, de mettre en mouvement le corps dans son intégralité et se rendre compte à un instant "T" de son état de corps et d'esprit. C'est une très bonne manière d'aller à la rencontre de soi-même et de se découvrir comme on ne se connaissait pas, caché derrière nos idées et nos jugements. Lorsque l'on est habitué à gérer la confrontation physique, il devient alors bien plus aisé de faire face aux multiples conflits intérieurs avec stabilité et confiance en des principes qui s'avèrent efficaces à tous les niveaux :

Acceptation :

La première des attitudes à adopter est l'acceptation, c'est à dire accepter qu'une personne tente de nous mettre à l'épreuve, accepter que ce qu'elle va nous donner nous ne le connaissons peut être pas, accepter l'echec. Il faut donc tout accepter tant que l'on ressent un lien de bienveillance. L'adversaire vous attaque pour vous faire travailler. Si vous ressentez une volonté de domination égoïste il serait normal et sage de décider d'arrêter le combat qui se retrouve vidé de ses vertues. L'acceptation nous oblige à adopter des attitudes corporelles capables d'accueillir la force de l'adversaire. Il faut pouvoir plier afin d'amortir la force de l'autre que l'on accepte , que l'on ne fuit pas, et à laquelle on ne s'oppose pas. Et surtout que l'on ne juge pas car si on est submergé par la force de l'adversaire c'est que notre placement était mauvais dans l'espace ou dans le temps (la notion de timing etant aussi essentielle que le placement).

transformation :

Une fois le rapport à l'autre accepté et assumé, un lien peut s'établir avec l'adversaire, c'est à ce moment que le dialogue ou le combat peut commencer. Au contact, l'énergie mise en jeu dépend des combattants. Il est de coutume de commencer doucement et de laisser l'énergie monter calmement pour éviter l'accident et faire connaissance. 

La transformation est d'abord personnelle. Lorsque l'on doit se défendre on comprend ses points faibles, en renforcant ses points faibles on constate souvent que les autres ont les mêmes faiblesses et on peut donc commencer à les attaquer pour tenter de leur indiquer ces points faibles. C'est dans cette état d'esprit qu'attaquer n'est pas nécessairement un acte de violence. 

Il est important de pouvoir expliquer ce que l'on a ressenti en terme de force et de faiblesse dans les positions et le timing, mais il est aussi important de ressentir physiquement nos points de faiblesse pour affûter les réflexes et s'habituer à ne pas fonctionner uniquement avec l'intellect qui à tendance à ralentir et alourdir les mouvements qui doivent rester naturels. On dit qu'il faut "investir dans la perte". Car une défaite nous permet de sentir ce qui n'était pas adapté à la situation et nous permet de nous corriger et donc de progresser.

 Pour qu'un mouvement devienne efficace, il doit être effectué correctement au bon endroit et au bon moment. Le combat est donc une continuité du travail de la forme qui nous permet de trouver le juste placement "en nous", avant de le tester face à quelqu'un. Une fois le corps formé, le combat est une manière de tester cette forme avec l'énergie de l'autre qui rempli littéralement notre forme avec son énergie. De la même manière que l'on testerai une construction hydrolique en y injectant de l'eau à forte pression, le combat nous permet de détécter d'éventuelles fuites d'énergie dans nos postures et nos déplacements. 

Une fois que l'on a ressenti que notre corps possédait une structure intègre capable de contenir la force adverse, l'esprit peut rester léger et calme. Corps et esprit fonctionnant ensemble et de manière harmonieuse, on trouve petit à petit le moyen de transformer la force de l'adversaire en utilisant savamment le déplacement et des mouvements mesurés afin de diriger la force vers une sortie. Ce qui a pour effet d'amener l'autre loin de son propre centre, vers sa chute qui sera proportionnelle à son engagement. Dans l'idéal, il n'y a pas de chute car chacun doit être en mesure de sentir lorsque sa propre force peut être utilisée contre lui et la rappeler en son centre. Cependant il devient très agréable de s'offrir à l'adversaire lorsqu'on lui fait confiance. Pour qu'il ai de la matière avec laquelle travailler, et pour qu'attaquant et défenseur puissent tous deux affiner leur perception du point de rupture qui provoque la chute. De la même manière que l'on apprend à maîtriser la pédale d'un embrayage . pour comprendre où commence et où s'arrête le point d'effet, il est necessaire de caler... Le combat lorsqu'il est effectué dans le respect des principes fondamentaux des arts martiaux est un formidable outil de développement personnel. Il permet un gain de temps considérable dans le travail postural car si l'on est privé du rapport à l'autre, on peut brasser du vent pendant des années, incapable de se rendre compte de nos erreurs de placement. Il permet d'ajuster son état d'esprit tout en renforcant son corps.

Habitué à combattre, on finit par se sentir à l'aise dans les situations difficiles. On s'accomode d'une réalité faite de surprises et la confiance ne vient pas du fait d'éviter le danger, mais de la certitude que quoi qu'il arrive, nous auront l'énergie , la vivacité et la clarté d'esprit pour réagir de manière adaptée et proportionnée. Forts de ces sensations, les combattants que nous sommes sauront petit à petit accepter puis transformer la réalité pleine de conflits qui est la notre en domptant la force pour mieux l'abandonner et trouver l'apaisement dans un sentiment de confiance qui accepte l'inconnu et l'echec.